La remarque sur les échecs et la chasse-cueillette illustre une erreur fréquente chez ceux qui abordent l'intelligence sous l'angle des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM). Cette erreur consiste à croire que la chasse est une activité extrêmement exigeante sur le plan cognitif, à condition de posséder les compétences nécessaires, comme l'étaient nos ancêtres.
Dans les cultures primitives et traditionnelles où l'on pratique la chasse pour se nourrir, on apprend à chasser et à pister dès qu'on sait marcher, et on ne maîtrise vraiment ces techniques que vers la trentaine, après une pratique intensive tout au long de la vie. Il y a une quantité considérable d'informations à assimiler…
…et un système très complexe à modéliser, incluant la psychologie des proies. Si vous avez déjà pêché avec des pêcheurs de bar d’élite ou chassé avec un guide du Yukon, vous comprenez le temps qu’ils consacrent à se mettre à la place des animaux et à jongler avec des éléments incroyables…
…une quantité considérable de connaissances très spécifiques à un domaine. Comparer la chasse et les échecs, puis conclure que la chasse est bien moins difficile que les échecs, est à mon avis une grave erreur. Taleb commet d'ailleurs la même erreur avec les marchés : il considère le trading comme plus complexe que la chasse.
Quoi qu'il en soit, je pense que les personnes qui font des comparaisons sur le niveau d'intelligence requis pour différentes tâches devraient en savoir plus sur toutes les tâches qu'elles comparent, plutôt que d'avoir des connaissances superficielles (comme dans Hollywood) ou de les avoir pratiquées par simple passe-temps ou sans enjeu.
Alors, vu la difficulté que représente la chasse, je ne suis pas du tout surpris que nous ayons inventé les échecs. La chasse est une activité très complexe et ardue si l'on en dépend pour se nourrir et non pas simplement pour le plaisir.