Avec tous les ordinateurs quantiques censés exister déjà, pourquoi personne n'a-t-il encore répété l'expérience de Zénon quantique de Kwiat et al. de 1999 avec un qubit au lieu d'un objet opaque ?
Pourquoi pas une porte de phase conditionnelle (ou une lecture dispersive) ? En passant d'un objet opaque (qui bloque/absorbe) à un objet biréfringent (qui décale la phase), nous pourrions passer d'un « test de survie » (Zénon) à un « test d'interférence », qui est beaucoup plus robuste face à la décohérence. 1. Le pivot : du « mur » à la « lentille » Dans l'expérience originale de Kwiat/Zeno, la « bombe » (observateur $P$) agit comme un mur : Le mécanisme : il bloque le photon (absorption) ou le laisse passer. Problème : Pour prouver que l’objet est en superposition, il faut que le photon survive à une « zone de danger » un grand nombre de fois (N → ∞). Toute imperfection entraîne une perte, ce qui simule un effondrement. Pourquoi ne pas remplacer la « bombe » par une lentille biréfringente ? Le mécanisme : L'objet laisse passer le photon dans les deux états, mais il « marque » le photon avec un déphasage ou une rotation de polarisation spécifique en fonction de l'état de l'objet. Si l'objet est $|\uparrow\rangle$ : le photon passe avec la phase $+\phi$. Si l'objet est $|\downarrow\rangle$ : le photon passe avec la phase $-\phi$. Résultat : le photon n’est jamais bloqué. Il traverse toujours le système, et celui-ci devient intriqué plutôt que figé. 2. Surmonter les défis d'ingénierie A. Résolution du problème « faible N » (solution en un seul coup) L'effet Zénon nécessite environ N cycles (de 20 à 100) pour « figer » l'état. Dans un dispositif biréfringent, un seul cycle (N = 1) suffit. Vous n'avez pas besoin de figer l'évolution de l'objet ; il vous suffit d'établir une corrélation avec elle. Dès lors qu'un photon interagit une fois, il transporte l'information de phase. Ceci réduit la durée de l'expérience de microsecondes à nanosecondes, surpassant ainsi la « horloge de décohérence ». B. Résolution des problèmes de « faible interaction » (mesures faibles) Dans l'expérience de Zénon, si la « bombe » n'est opaque qu'à 50 %, l'expérience échoue. Dans cette expérience, si l'interaction est faible (par exemple, le déphasage est infime, de l'ordre de 10°), elle peut néanmoins fonctionner. Interférométrie : On mélange le photon de sortie avec un faisceau de référence. Même un infime déphasage crée une modification détectable dans la figure d’interférence. Valeurs faibles : En répétant l’expérience de nombreuses fois, il est possible de distinguer statistiquement la figure d’interférence d’une superposition de celle d’un mélange classique, même avec des interactions faibles. C. Résolution des problèmes « faible Eta » (La stratégie de signalisation) C'est là le point le plus crucial. Pouvons-nous récupérer les informations « avec un haut degré de certitude… malgré le déclenchement du détecteur » ? La solution : nous utilisons le signalement (post-sélection). Nous plaçons des détecteurs à la fin du chemin et n’analysons que les données correspondant aux clics des détecteurs. Résultat : Si les photons survivants présentent des franges d'interférence corrélées au qubit, nous avons prouvé que — pour ces événements spécifiques — la superposition est restée intacte. Avertissement : Ceci pourrait satisfaire beaucoup de personnes. Mais cela ne « justifierait pas complètement » la mécanique quantique réciproque face à un sceptique convaincu. Ce dernier pourrait toujours exploiter la faille de détection : « L’effondrement a bien eu lieu ! Il s’est produit pour les 50 % de photons perdus (faible η). Vous ne me montrez que les survivants. » Pour combler complètement cette faille, il faudrait toujours un rendement élevé (η > 82 %), mais le dispositif biréfringent est bien plus susceptible de l’atteindre que le dispositif de Zénon, car la réflexion de la lumière sur un cristal transparent est intrinsèquement moins sujette aux pertes que sa réflexion sur des miroirs. 3. Configuration spécifique de l'expérience Pour concrétiser ce concept, nous n'utiliserions pas de « polariseurs » au sens classique du terme. Nous aurions recours à l'électrodynamique quantique des circuits (qubits supraconducteurs), qui est le candidat le plus prometteur pour ce type de « superposition mésoscopique ». La mise en place : Observateur ($P$) : Un qubit Transmon (un atome artificiel visible à l'œil nu) à l'intérieur d'une cavité micro-ondes. Nous le préparons dans une superposition : $\frac{1}{\sqrt{2}}(|g\rangle + |e\rangle)$. Système ($S$) : Une impulsion de photon micro-ondes. Biréfringence (décalage dispersif) : Nous accordons la cavité au régime dispersif. Si le Qubit est $|g\rangle$, la cavité a effectivement un « indice de réfraction A ». Si le Qubit est $|e\rangle$, la cavité a un « indice de réfraction B ». Détecteurs : Correction cruciale : Vous avez mentionné le placement des détecteurs « à l’emplacement de l’objet ». Cela détruirait la superposition. Nous plaçons donc les détecteurs après la cavité. Nous mesurons la phase du photon réfléchi (détection homodyne) puis l'état du qubit. La justification : Nous recherchons des corrélations de Bell entre la phase du photon et l'état du qubit. Si nous observons de telles corrélations, nous aurons prouvé que le qubit ne s'est pas « effondré » vers un état classique lors de l'impact du photon ; il est plutôt entré dans une superposition intriquée avec le photon. Cette expérience est techniquement réalisable aujourd'hui et constitue la candidate la plus sérieuse pour l'« expérience sophistiquée » imaginée par Rovelli.