Si le doigt d'une personne est anesthésié localement, elle perdra en précision, même pour un geste aussi simple que frotter une allumette. De prime abord, on pourrait croire que ramasser et frotter une allumette ne requiert que de la dextérité manuelle, mais en réalité, cela repose sur la sensibilité tactile complexe du bout des doigts. Sans retour tactile, la main humaine n'est qu'une pince maladroite. Les corps de Meissner se situent à la jonction de l'épiderme et du derme et sont particulièrement denses au niveau des doigts, des lèvres et des paumes. Ce sont des structures ovales composées de couches de cellules aplaties entourant des terminaisons nerveuses. Ils sont spécifiquement conçus pour percevoir les effleurements et les vibrations de basse fréquence (10-50 Hz). Les cellules de Merkel sont situées au plus près de la surface de la peau et forment des complexes avec les terminaisons nerveuses. Elles sont à adaptation lente : elles continuent d’envoyer des signaux tant que le stress persiste. Le plus grand récepteur tactile du corpuscule de Pacini est visible à l'œil nu, ressemblant à un oignon miniature — une fibre nerveuse enveloppée dans des dizaines de couches concentriques de tissu conjonctif. Les corpuscules de Ruffini sont des structures fusiformes situées profondément dans le derme. Leur adaptation est lente et ils sont sensibles à la pression continue et à l'étirement de la peau. Lorsque vous saisissez un objet ou que vous palpez la position et l'angle de vos articulations des doigts, les corpuscules de Ruffini fournissent des informations continues sur l'état de la peau. C’est pourquoi je suis pessimiste quant aux méthodes d’entraînement actuelles des robots humanoïdes. Car sous chaque mouvement humain « macroscopique » se cache un réseau dense de capteurs « microscopiques » : la peau. Optimus Prime d'Elon Musk : un système de formation visuelle de bout en bout. Des caméras collectent des informations, des réseaux neuronaux génèrent des actions. Le concept est fascinant : l'IA voit, l'IA apprend, l'IA agit. Tout repose sur la puissance de calcul ; nous sommes convaincus que la force brute peut accomplir des miracles. Mais cela revient à remplacer « peau » par « yeux ». On peut toujours sortir une clé de sa poche les yeux fermés. En effet, le bout des doigts perçoit la forme, le poids, la température et la texture. La densité de ces informations est inaccessible à la vue. On peut voir une clé avec une caméra, mais on ne peut pas percevoir le décalage de 0,1 millimètre entre le pouce et l'index lorsqu'on la tient. L'essence de la formation de bout en bout consiste à utiliser une source de signal à faible bande passante (la vision) pour simuler un système de contrôle à large bande passante (tactile et proprioceptif). Il s'agit d'une approche de réduction de dimensionnalité, mais à l'inverse. Ainsi, dans les vidéos de démonstration, les mouvements du robot sont d'une lenteur extrême. Ce n'est pas dû à une vitesse insuffisante des moteurs, mais à l'absence de retour tactile en temps réel ; le robot doit privilégier la stabilité à la lenteur. Chaque contact est un pari, chaque application de force un coup à l'aveugle. En six mois, les nourrissons apprennent à saisir des objets grâce à des millions de contacts, de pressions, de relâchements et de nouveaux contacts. À chaque fois, le bout de leurs doigts transmet au cerveau l'information suivante : « Cette pression, cet angle, ce résultat. » C'est un processus en boucle fermée. Formation complète ? Il n’existe pas de boucle fermée. Ou plutôt, il s’agit d’une boucle fermée incomplète : aucune douleur ressentie suite à des erreurs d’exécution, aucune frustration liée à la douleur. Seule l’intervention humaine, juste ou fausse, entre en jeu. Comment un système de récompense aussi rudimentaire et superficiel peut-il développer une véritable dextérité manuelle ?
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